/b/u/g/ on Thu, 30 Mar 2000 12:26:05 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] A propos de censure


SITES MIROIRS ET LOGICIELS FILTRES

Deux cas récents illustrent bien l'impossibilité de bloquer la diffusion
d'informations une fois que cette dernière a franchi le seuil du Web.

En Espagne, le 8 mars dernier, perquisition policière aux bureaux de
l'organisme nodo50 (http://www.nodo50.org/) qui héberge le répertoire Web de
la Asociación contra la Tortura (Association contre la torture - ACT).  Sans
disposer de mandats ou autres documents pouvant justifier une telle action,
les inspecteurs de l'Agence gouvernementale de protection des données
saisissent le matériel du répertoire de l'ACT et cherchent même à obtenir
des renseignements sur ses membres auprès du personnel de nodo50.  Il y
aurait eu plainte déposée contre l'ACT concernant les nombreuses
informations mises en ligne par celle-ci et dénonçant les violences commises
par les forces de polices nationale, municipales et autonomes, et par la
Guardia civile (gendarmerie).  Le 16 mars, l'Agence de protection des
données annonce même à la presse traditionnelle la fermeture du site Web de
l'ACT alors même que les intéressés (ACT et Nodo50) ne sont pas encore
informés.  Rapidement, un mouvement de solidarité s'organise et des sites
miroirs (http://www.samizdat.net/mirrors/actortura/) du répertoire de l'ACT
foisonnent, dont celui de la zone d'autonomie temporaire Samizdat
(http://www.samizdat.net/).  Dès lors, toute tentative de bâillonnement de
l'ACT est déjouée.

L'autre cas concerne le dossier des logiciels filtres, et de ceux qui
contestent pour de nombreuses raisons leur pseudo efficacité.  Cette fois,
c'est le logiciel filtre CyberPatrol, fabriqué par la société Microsystems
Software (filiale du fabricant de jouet Mattel), qui est au centre de la
controverse.  Deux jeunes hommes, un Canadien et un Suédois, ont décortiqué
le fonctionnement du logiciel pour déterminer les contenus qu'il filtrait.
En voici quelques exemples : l'ensemble des sites Web d'organisations
étudiantes de l'université Carnegie Mellon (y compris ceux du club de
courtepointe, des passionnés de frisbee, de l'équipe de volleyball, etc.);
le site de l'association étudiante du Massachusetts Institute of Technology
(MIT) pour la liberté d'expression, le site Nizkor à la mémoire des victimes
de l'Holocauste, les forums d'échange alt.journalism:,
alt.journalism.newspapers, alt.journalism.freelance, alt.feminism, etc.

Les deux jeunes ont mis au point, et diffusé sur leurs sites Web respectifs,
un petit utilitaire servant entre autres à contourner le filtrage de
CyberPatrol et à afficher la liste des contenus filtrés.  Le logiciel est
disponible en deux saveurs, soit CP4break.zip et cphack.exe.  Microsystems
Software a obtenu une injonction temporaire
(http://www.nationalpost.com/home.asp?f=000317/234397) d'un tribunal
américain les enjoignant à retirer de leurs sites Web l'utilitaire et a
intenté des poursuites, invoquant l'infraction au droit d'auteur.  Mais
déjà, des dizaines de sites Web miroirs diffusaient l'utilitaire.  Bon
nombre de ces rediffuseurs ont reçu des mises en demeure du tribunal
américain les menaçant de poursuites s'ils ne retiraient pas le logiciel,
même si le tribunal n'avait aucune juridiction sur ces sites situés hors des
États-Unis.

Le chroniqueur Declan McCullagh, rédacteur du bulletin Politechbot
(http://www.politechbot.com/), avait mentionné la liste des sites miroirs
sans pour autant offrir le téléchargement direct de l'utilitaire en
question.  Il a néanmoins, lui aussi, reçu un message des procureurs de
Mattel exigeant qu'il livre la liste des personnes ayant téléchargé, vu ou
pris connaissance de l'utilitaire.

L'American Civil Liberties Union (ACLU)
(http://www.aclu.org/news/2000/n032400a.html) se porte à la défense des
intimés, conteste l'ordonnance du tribunal obtenue par Microsystems
Software, et déclare assurer la défense de trois personnes ayant offert le
téléchargement de l'utilitaire afin d'établir des cas types.  Selon Chris
Hansen, principal conseiller juridique de l'ACLU, «Si on suit la logique de
CyberPatrol, je serais coupable d'un acte criminel si je regardais sous le
capot d'une voiture avant de l'acheter.  Je ne crois pas que ce soit trop
demander de CyberPatrol et des autres fabricants de logiciels filtres de
dire exactement au public ce que leurs logiciels filtrent, surtout si le
Congrès entend exiger leur utilisation.»

Lundi, revirement inattendu.  Quelques minutes avant l'audition devant
prolonger l'injonction temporaire, Microsystems Software annonce qu'elle a
acquis, sans frais des deux jeunes hommes, les droits d'auteurs sur
l'utilitaire, et qu'elle entend désormais poursuivre les sites miroirs pour
diffusion d'un logiciel qui lui appartient.  L'ACLU déclare qu'au vu de ce
fait nouveau, elle demandera aux responsables des trois sites miroirs de
retirer l'utilitaire de leurs sites puisqu'il s'agit maintenant d'un
logiciel «commercial».

Ce qu'on retiendra surtout de cette affaire sera la prise de position de
l'influent Boston Globe
(http://www.boston.com/dailyglobe2/087/editorials/Cyber_censorship+.shtml)
sur la question des logiciels filtres.  Lundi, en page éditoriale, on
pouvait lire dans le Globe «Les particuliers ont le droit d'installer
CyberPatrol sur leur ordinateur.  Mais le public a le droit de critiquer la
sélection de sites qui sont filtrés...»

C'est, à notre connaissance, la première fois qu'un influent média prend
officiellement position contre les logiciels filtres.

Entre temps, CP4break.zip et cphack.exe sont toujours disponibles sur bon
nombre de sites miroirs, bien que Microsystems Software ait mis au point une
rustine téléchargeable pour le déjouer.  Prochain épisode bientôt.

Extrait des "Chroniques de Cybéries", 28 mars 2000
http://cyberie.webdo.ch/bienvenue.html

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