Re: [nettime-fr] Bye Bye Avedon...

["Louise Desrenards" <louise.desrenards@free.fr>]

Hélas, cher David, je ne pense vraiment pas que là soit ce qui compte, qu'on
aille chercher du name-dropping chez un photographe qui travaillait dans la
mode, et lui même qui en faisait l'objet - de la mode et aussi du
name-dropping.

A te lire parlant du nombril du monde, en souci de véritable perfection, on
pourrait te prendre pour un américain jugeant de sa Presse comme un béotien
de la langue chinoise, à l'image de Bush ayant juste appris qu'un avion,
mieux qu'une bombe, venait de frapper le World Trade Center et qui se remet
à lire, avec d'autant plus d'intérêt, une histoire charmante nourrie
d'édifiants détails à l'adresse des enfants, tels que ce vilain Moore, ce
gros porc manipulateur, osa les montrer en belle innnocence devant le public
du festival de Cannes (et d'ailleurs chez lui).

Moi je préfère Kerry de toutes façons, même si sa femme est trop blanche en
temps de campagne. Et même si j'eus préféré davantage Hilary Clinton, cette
"salope qui a fait du fric et appris le pouvoir sur le dos des expériences
cuisantes de son mari, amateur de chauds cigares devant l'éternel - elle qui
préfère la froideur des femmes sans sobriété". Seulement voilà, elle ce
sera pour la prochaine fois ; où n'importe qui risquait de se faire
descendre avant l'échéance : on y envoie Kerry parce qu'il fait partie des
S&B - ça le modère mais ça le protège.

Ceci dit, ton texte est très beau très bien écrit et s'il paraît
ponctuellement samplé il ne paraît pas mixé du moins je trouve que tu
devrais le remixer pour qu'il devienne moins parfait - ou presque.

Il me semble difficile de chercher chez Lartigue le regard de Avedon et chez
Avedon celui de Lartigue si grand serait Lartigue sinon par un jeu de
fiction de leurs propos croisés, même vrais en préface, où, pour revenir à
mon début, l'autre put aussi lire Hegel avec les yeux de Heidegger ; et les
"non a" débarquant dans le monde des "a", forcément, n'auraient pu les
comprendre autrement ni sans plus que n'étant pas eux. Dont moi. Dont toi.
Dont le boa. Je trouve que le sable et son grain (les écailles, les ombres,
et la peau) dans la photo du boa, ne seraient pas si fascinants sans
le regard indifférent des dunes.

D'ailleurs ce python ce n'est pas un boa, en réalité c'est peut-être
un anaconda, mais il confirme l'hypothèse du name-dropping ; en effet,
c'est exactement celui qui a joué pour Mapplethorpe dans le nu
de Lisa Lyon assise (ce n'est ma photo élective parmi les siennes) :

http://www.criticalsecret.com/mapplethorpe.jpg


Ta dramaturgie en forme d'anneau de Möbius est par conséquent brillante et
pour autant... on n'accuse pas le forgeron de ressembler à son enclume, même
s'il s'écrase les doigts par un mauvais coup de marteau, ce qui ne
pourrait l'accabler de défaillance humaine - au contraire prouvant qu'il
n'est pas une machine. On ne pourrait davantage l'accabler de lassitude
par avoir consommé trop de poires qu'il avait prises pour des culs, parmi
son public, ou trop arpenté des dunes croyant marcher sur des seins.

A vrai dire, pour notre plaisir, Natassia Kinski n'a pas de seins
mais un petit ventre, ce qui put l'apparenter à un boa pour un boa, mais ne
la confondit pas avec le boa aux yeux de l'avedon (autre serpent) - ni aux
nôtres des siens à travers les seins - de la femme.

Et plus à vrai dire, moi qui fut depuis toujours et plus encore à présent
loin de l'équivaloir - à l'image - je me réjouis de la regarder
(au lieu de la jalouser - ce dont, bien sûr, sauf d'un zeste de misogynie,
 on ne pourrait te soupçonner ;-)

Enfin, c'est tant un cliché, en effet, qu'à peu de choses près
une autre version de l'Eve serpentine, songeuse, du tympan d'Autun à seins
et feuillages entrelacs ; Natassia plus allongée (le poids
du boa crois-tu ?)

Sachant que la scuplture romane était l'art des moines et non
des artisans comme dans le Gothique, on peut se dire qu'ils avaient bien
du reconnaître quelque part (dans tous les sens de la formule) pour belle
pareille anatomie, donc pas du tout cocotte sinon comme on dit "ma poule"
- est-ce que je sais, moi ?

Alors pourquoi tu le reconnaîtrais pas, toi, même si tu la connais pas plus
que ça, qu'elle est belle, Natassia. T'es même certain qu'elle n'est
pas une bête - le boa, il y est aussi pour ça, des fois qu'on s'y perde ?)

Loin de l'homme, les photos, ce sont des clichés pour n'importe qui -
les punks l'ont révélé une fois pour toutes il y a trente
ans, après que Malraux ait pensé au musée imaginaire ; c'est mieux que
les universaux : les plus belles photos de Marylin - sans doute fit-il
autre chose que des photos avec elle, mais qu'est-ce que ça pourrait
bien te faire ou ne pas te faire qu'elle fut ou non une pouffe
- et d'abord si elle aimait ça ? - ; Berlin en liesse la nuit
où tomba le mur, quoique là ne soient pas des clichés (personne ne cite ce
reportage) - il y était, et j'en ai quelque chose à faire - ; un redoutable
portrait de Burroughs (il le connaissait autrement qu'à l'avoir
photographié), autant vu que le portrait du Che par Korda
(autant pour les medias) - et encore, parmi le reste profus
des petits oiseaux du Merlin, ces deux photos pour
confirmer les cocottes de l'ambassadeur d'uncôté :

http://www.criticalsecret.com/avedon1.jpg

et le fétichisme de l'autre :

http://www.criticalsecret.com/avedon.jpg

Les jolies femmes sont-elles à ce point provocantes dans leur silence
que leurs photographes autant que leurs amateurs - amatrices -
soient maudits ?

Moi je trouve que c'est une des plus belles photos de nus communiqués
depuis les quinze dernières années, avec une photo de Witkin,
d'une femme à trois seins debout et déhanchée comme une grâce,
coifée d'un navire à deux mats...

Oui trois seins, vraiment ; ce n'est pas un boa ni une déesse,
c'est une femme au navire. Mais alors je me demande bien comment
est son cul - puisqu'elle est de face.



Bien à toi

A.



----- Original Message ----- 
From: "David Christoffel" <david.christoffel@free.fr>
To: <nettime-fr@samizdat.net>
Sent: Tuesday, October 05, 2004 11:27 PM
Subject: RE: [nettime-fr] Bye Bye Avedon...


> Chers tous,
>
> Il ne vous a pas échappé que Richard Avedon est mort un mois avant les
> élections et qu'il n'arrive qu'aux grands hommes d'avoir de la suspension
> dans le dernier souffle et beaucoup d'esprit jusque dans la manière et le
> moment de mourir (en plein projet 'On Democracy'). Mais, après Moma et 81
> ans, on déconne pas avec les valeurs sûres ! Et cette obscénité n'est sans
> doute pas si importante que ça dans la mesure où, justement, celui-là
savait
> mieux que personne ce qu'était l'éclat des grands dans leurs singularités
> (on ne retiendra jamais, de ce point de vue là, qu'un name-dropping allant
> de Chaplin-Monroe à Moore-Morrison, avec Cousteau-Björk entre les deux).
> C'est qu'Avedon inspirait une inégalable équivalence du célèbre face au
> célèbre et avec une force d'évidence décalquée jusqu'aux grands hommes
> invisibles, puisque l'AFP désigne "par exemple les orphelins de Danang,
> pendant la guerre du Vietnam".
>
> Encore lundi dernier (27 sept.), une photo de Richard Avedon paraissait en
> pleine page dans le New Yorker, l'AFP est formelle : "c'était Teresa
Kerry,
> léger sourire et chemise blanche, saisie en toute simplicité, sur fond
> blanc, comme l'affectionnait Avedon."
>
> Je voulais seulement vous partager mon effroi de voir l'image sociale du
> faiseur d'images photographiques se dépraver dans un bon goût
> on-ne-peut-plus indécent étant données les prétentions qui l'accompagnent.
> Sur www.richardavedon.com, on peut lire une postface d'Avedon au "Journal
> d'un siècle" de Jacques Henri Lartigue. Il vénère les poires comme culs et
> les dunes de sable comme seins. A ce que j'ai compris, il honore Lartigue
> pour s'être emparé de quelques techniques comme le film ultra-rapide qui
> pouvait avoir tendance à être accaparé par la photographie sportive. Il
> ajoute que cela ressemblait à un consensus non-dit des
artistes-photographes
> de ne pas toucher à ce qui pourrait les assimiler à l'illustration et trop
> les éloigner de la peinture. Ce que je ne comprends vraiment pas, c'est
> comment en arriver à honorer des effets trompe-l'oeil là où il s'agit de
> s'en remettre à de ces techniques qui devraient permettre à l'assimilation
> poires-culs ou dunes-seins de faire autre chose qu'un jeu de l'ambassadeur
> pour cocottes toujours prêtes à pouffer.
>
> Maintenant qu'il est mort, même s'il est sans doute parmi d'autres, il
> pourrait devenir "celui qui" a dit que la technique ne se donnait pas aux
> ambitieux. Et c'est encore plus subtile, Avedon était marqué par
> l'exactitude des dessins que Lartigue faisait de ses photos de peur de les
> perdre au moment (alors périlleux) du développement. Aussi, pour Avedon,
> Lartigue n'est pas un journaliste parce qu'il n'y a pas de hasard dans ses
> bonheurs de vue. Comme si la question était d'être, ou non, un
journaliste.
> Comme si Dieu n'était pas encore assez mort pour qu'on ne soit pas
> irrémédiablement égaux devant la platitude de l'événementiel. Et Avedon ne
> s'y est pas trompé, il s'est tapé les lieux communs, il a lutté contre
eux,
> il a sacrifié sa vie... comme tout le monde Mais, quant aux petits dessins
> de Lartigue, Avedon était captivé par leur précision en comparaison aux
> photos qu'ils pré-reconstituaient. En définitive, il honorait la capacité
de
> Lartigue à se souvenir du moindre détail, il célébrait l'habilité du
> photographe à saisir l'instant précis où les choses ne sont tellement pas
ce
> qu'elles étaient juste avant, présumées plus fades alors que justement
> rappelées par le pointu du moment du petit oiseau.
>
> En définitive, je crois qu'Avedon est encore dans le fétichisme, que
> Lartigue était pourtant au-dessus de ça et qu'il y a encore trop de petits
> oiseaux qui vont sortir..
>
> Bonnes continuations à tous,
> david
>


 
 
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