jmm on Tue, 21 Mar 2000 00:54:10 +0100 (CET)


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Re: [nettime-fr] Hactivisme : petite histoire de la constestation dans le cyberespace


Bonjour, 

je me permets de rajouter au débat cet article, paru dans Nova Mag' en décembre 
dernier, et disponible sur http://emedia.free.fr/hacktivisme.html (pour ceux 
qui voudraient les liens). Vu le journal qui me l'avait demandé, il est moins 
théorique qu'informatif, mais tentait de dédiaboliser le terme d'hacktivisme, 
tout comme celui de hackers, et d'en dresser un bref panorama. 

Je ne sais si vous suivez les débats de la ML hacktivism.tao.ca, en partie 
responsable du Global Jam Echelon Day qui nous revient ces temps-ci en force, 
et traduit en français (d'où vient, d'ailleurs, ce spam ???), mais la question 
de savoir jusqu'où peut aller la médiatisation, jusqu'où peut aller la 
contestation, et quelles sont les outils dont on peut se servir fait rage 
entre, justement, les hackers "historiques", informaticiens qui voient d'un 
mauvais oeil l'arrivée de militants aux compétences informatiques de plus en 
plus aguerris, et ces activistes qui refusent le côté libertarien des premiers.

HSN a par ailleurs été annoncé sur http://www.zdnet.fr/actu/inte/a0013478.html

tschuss
jmm



Hackers et activistes fusionnent leurs compétences sur le web, donnant 
naissance à une nouvelle forme d'engagement, mi-technologique mi-politique. A 
l'intention de ceux qui veulent utiliser le web pour autre chose que pour de 
l'e-VPC...

Les hackers sont à l'origine de l'internet. A force de pousser toujours plus 
loin leurs investigations à l'intérieur des systèmes informatiques, ils n'ont 
fait que les améliorer. Les activistes, par ailleurs, arrivent grâce à la toile 
à s'organiser et à se regrouper beaucoup plus efficacement qu'auparavant. 
L'hacktivisme réunit ces deux cultures et on en repère les premières traces 
dans les années 80 avec des groupes comme le Chaos Computer Club, qui pénétra 
des systèmes informatiques gouvernementaux afin de dénoncer les risques de "big 
brotherisation" de la société de l'information. 


L'"intelligence collective"
L'une des raisons d'être de l'hacktivisme est d'attirer un grand nombre de 
personnes à appuyer là où ça fait mal tout en évitant la casse et les dégâts 
humains : si la technologie peut être une arme, elle n'est pas de l'ordre de la 
confrontation physique. Ici, la guerre est celle de l'information, donc de la 
liberté d'expression... et l'internet est un très précieux outil pour diffuser 
de l'information à moindre coût, les médias libres comme les 
associations "alternatives" ne s'en privent d'ailleurs pas. Mais les activistes 
utilisent aussi et surtout newsgroups et mailings-listes, réunions virtuelles 
réunissant autour d'un même sujet et par email de quelques dizaines à plusieurs 
milliers d'internautes désireux de mettre en commun informations et 
compétences. 


Simple comme un coup de clic !
Il y a quelques années, un leader syndical mexicain était assassiné par un 
commando d'extrême-droite : en quelques heures, l'information était retransmise 
par le web à des ONG du monde entier sous la pression desquelles, pour la 
première fois, le gouvernement mexicain arrêta les meurtriers. On peut aussi 
citer la lutte contre les OGM, l'association ATTAC ou encore les milliers de 
groupes internationaux qui, via le web, se sont ligués contre la conférence de 
l'OMC à Seattle. Si le web est truffé de sites perso et associatifs, il est 
aussi bourré de pubs et de la propagande de grosses sociétés qui voient d'un 
mauvais oeil ceux qui s'opposent à elles et combattent leur vampirisation de 
l'internet. Et si l'e-commerce a ses bandeaux de pub, le web indépendant a ses 
bannières de protestation : plusieurs dizaines de milliers de sites s'étaient 
ainsi mis en berne lors de l'affaire altern.org, transformant la fête 
officielle en "défête de l'internet". On peut aussi citer les centaines de 
banderoles de soutien à Mumia Abu-Jamal, qui ont, entre autres, contribué au 
report de son éxécution. 


Simple comme un site web
D'autres sites se spécialisent en contre-propagande : rtmark (pour "registered 
trademark"), "société de courtage" américaine, se charge ainsi de financer et 
promouvoir certains projets "subversifs". Pour le Front de Libération des 
poupées Barbie, ils interchangèrent les puces de 300 Barbie et Ken afin que 
le "mâle" parle comme la "fifille", et vice versa. Une autre fois, ils 
réussirent à faire s'embrasser sur la bouche deux des guerriers d'un jeu vidéo 
particulièrement macho (80 000 copies furent vendues avant qu'on ne s'aperçoive 
du piratage). Leur dernier coup d'éclat est un site web qui se veut la réplique 
exacte de celui de Georges Bush Jr en vue d'en dénoncer l'hypocrisie et qui 
rappelle au bon souvenir du candidat conservateur aux présidentielles US 
certains de ses mensonges, ainsi que... son passé de cocaïnomane. Plusieurs 
millions d'internautes ont déjà visité le site, qui a été couvert par la presse 
internationale.


Troyens, virus et autres sales bestioles
Mais la forme d'hacktivisme la plus sophistiquée, et la plus controversée, se 
sert des failles et autres "bugs" des systèmes informatiques. Ainsi de Back 
Orifice, logiciel libre et gratuit mis à la disposition de tous sur le web par 
le Cult of the Dead Cow, réputé groupe de hackers américains. Leur "troyen" se 
présente comme une amélioration de celui, payant, de Microsoft qui sert à 
gérer, à distance, les réseaux informatiques. En fait, il exploite un des 
nombreux "trous de sécurité" qui font le charme (et le chiffre d'affaires) du 
leader informatique tant décrié en vue de s'infiltrer dans l'ordinateur de 
quelqu'un d'autre, et d'en prendre le contrôle. Il existe également des 
logiciels de "mail-bombing" pour inonder les boites aux lettres et toute une 
gamme de produits, virus et autres cyber-cochoncetés par centaines destinés à 
pourrir la vie via le web. 


Bug Brothers
Mais les hacktivistes réprouvent ce genre de "terrorisme", ce qui n'empêche pas 
certains d'user parfois de technologies dignes des services secrets pour 
protéger leur anonymat et ne pas risquer d'être inquiétés. Ainsi, récemment, la 
guerre du Kosovo fut l'occasion pour un certain nombre de petits génies de 
l'informatique de dénoncer l'attitude de l'OTAN en modifiant les home pages de 
dizaines de sites US, les serbes ayant même fait circuler un CD-Rom 
spécial "pirates" pour cela (voir l'interview des hackers pakistanais d'HPC); 
au même moment, d'autres se mobilisaient pour B92, la radio libre de Belgrade, 
afin de contourner la censure du régime de Milosevic, en mettant à sa 
disposition un système semi-clandestin de retransmission par internet. 


Bigbrotherisation ?
Bien évidemment, comme il s'agit de l'internet, on vous parlera beaucoup plus 
souvent des terroristes et des cyber-délinquants que des hacktivistes, de même 
qu'on vous parlera plus facilement d'e-commerce que de liberté d'expression... 
tout en recensant à votre insu un maximum d'informations concernant vos 
pratiques de consommateur, faisant du web un vaste supermarché livré à la 
concurrence mondiale de ceux qui recoupent fichiers clients et banques de 
données. Sauf que les moyens mis à la disposition des "simples citoyens" n'ont 
jamais été aussi nombreux, faciles d'accès et efficaces qu'aujourd'hui. Ainsi, 
les autorités australiennes ayant décidé de censurer les aspects "subversifs" 
du web à compter du... 1er janvier 2000 (des mots comme "sein", "drogue" et 
même... "libre" seront interdits !), une cyber pro du X s'est fendue d'un strip 
tease serti du ruban bleu, symbole de la liberté d'expression sur le web, 
dévoilant les nombreuses connexions à son site de ceux-là même qui ont voté la 
loi, tout en expliquant comment contourner ladite censure... En France, à 
l'occasion du sommet mondial des régulateurs de l'internet organisé par le CSA, 
le gouvernement vient d'annoncer la création d'un organisme d'"auto-régulation" 
destiné nous dit-on à contrer la domination de certaines transnationales 
s'exprimant en anglais, et à permettre l'accès du plus grand nombre au web... 
Affaire en cours... Tout ne dépendra jamais que du degré de mobilisation des 
internautes contre les big brothers en puissance. A vous de jouer !

Jean Marc Manach



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