[nettime-fr] Les malheureuse tribulations de l'"hacktivisme"

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Re: Samizdat.net diffuse le "Hacktivist News Service".

Chers Amis de Samizdat.net,

Juste une reaction a chaud en voyant votre site
(http://www.samizdat.net/infos/hns/doc/hns_faq.html) (et l'annonce de
votre site dans nettime-fr). L'idee est excellente et la realisation
promet beaucoup de bien. Le seul truc qui m'emm^%#@*&^, et m'emm$#@*(&@
serieusement, helas, c'est le mot "hacktivisme' lui-meme. Un mot (tres)
conteste. Expliquons-nous.

Pour autant qu'il existerait une 'centrale' representative de la
mouvance hacker, et donc un consensus a ce sujet, il semblerait que les
hackers 'etablis' n'aimeraient pas du tout etre associes, ni de loin, ni
surtout de pres, au concept de 'hacktivisme'. Je parle ici en
connaissance personelle de l'opinion de '2600', et des hackers
hollandais (branche Californienne (!) y comprise) et allemands, et
oui-dire d'autres groupes.

L'idee d'hacktivisme a surgit il y a quelques annees de l'esprit
'activiste', mais quelque peu monomane (et meme megalomane) de Riccardo
Dominguez, paleo-ideologue a plein temps et membre plus que passager du
Critical Art Ensemble (un des critiques les plus feroces de
l'"hacktivisme" -
http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199901/msg00033), et de son
'complice' Stefan Wray, etudiant a l'Universite de New York.

Ce duo s'illustre depuis quelques annees par des actions de 'solidarite
numerique' tapageuses et tres mediatisees au benefice des Zapatistes et
autres causes fort honorables dans le combat anti-imperialiste,
anti-capitaliste, anti-mondialisation etc. Leurs actions, qui firent pas
mal de bruit, ayant pour seuls petits desavantages le fait de:
(i) etre montees sans le soutien/ avis/ permission des 'beneficiaires'
(ii)etre techniquement tres deficientes, et donc rapidement futiles par
rapport aux buts recherches, sauf de (a) destabiliser l'environment
immediat de la source 'actioniste' et (b) ruiner l'anonymat (et
accessoirement l'appareillage) des participants a leurs actions.

Le duo s'etant fait inviter et s'affichant avec prestance au festival
Ars Electronica a Linz en ete 1998, il fut approche par d'autre
participants du festival (theme : 'Info War') en particuliers les
hackers sus mentionnes rassembles au 'Camp Kevin Mitnick'. Confrontes au
reproches d'etre techniquement peu a la page (euphemisme), et d'exposer
leurs sympathisants a des risques inutiles, subsidiairement d'avoir des
idees politiques retrogrades (actions de masse commandites par les
leaders avant-gardistes) non adaptees a l'age du Net, nos deux comperes
d'abords implorerent les hackers de les aider a parfaire leur methodes
(mais non leurs buts), plaidairent ensuite la necessite de la lutte
politique, pour finalement pretendre que leur projet apres tout, n'etait
qu'une 'oeuvre d'art'.

Repartis de Linz (ou leur attaques contre 'Le gouvernement Mexicain, le
Pentagone, et la bourse de Frankfort' avaient lamentablement echoue, et
meme 'backfired') Riccardo et Stefan continuerent sur leur lancee,
reslultant en ce que Stefan se fasse virer du site de l'universite de
New York (CUNY) pour abus manifeste des facilites, et que Riccardo mette
en danger l'existence meme de Thing.net en voulant un peu trop jouer
'les etoys'. 

Entre-temps se monta a Londres sous l'egide de Paul Mobbs, le fumeux
groupe des 'Electro-hippies' (http://www.gn.apc.org/pmhp/ehippies/), a
la prose particulierement militante, mais a la forme et au nom un peu
trop transparement imite des hackers hollandais, aka "Hippies from Hell'
(http://www.hippiesfromhell.org). La aussi, pretendue fusion entre buts
et ideologie 'militants' en technicite 'hacker'. La realite est tout
autre.

Vint les fameuses attaques contre les grands sites representatifs de la
commercialisation du reseau, Yahoo, E-Bay etc. Ces 'Distributed Denial
of Service Attacks' apparaissent comme la culmination (quasi
orgiastique) des aspirations 'hacktivistes'. Mais elles n'en sont pas le
fait, et on en est encore a se poser de tres serieuses questions quand a
leurs sources (et donc leurs motifs ultimes). Ce qui n'empechera pas
Riccardo Dominguez de pratiquer l'amalgame dans un interview avec
Telepolis
(http://www.heise.de/tp/deutsch/html/result.xhtml?url=/tp/deutsch/inhalt/te/5809/1.html&words=Dominguez)
et de suggerer de nouvelles campagnes militantes et destabilisantes...

Reprenant le discours (peu convaincant) tenu a Linz par Riccardo
Dominguez, les 'Electrohippies' font maintenant etat de leur positions
theorique principale qui consiste a promouvoir l'action de masse, style
manif sur les grands boulevards, dans le Reseau et a contraster
l'anonymat et l'individulisme hacker a leur approche communaitaire et 'a
visage decouvert'. L'energie me manque pour demontrer de A a Z l'ineptie
totale d'une telle argumentation, qui me semble absolument evidente a
quiquonque tant soit peu au courrant (i) de la donne socio-politique,
socio-economique et socio-culturelle actuelle et (ii) de la technologie
des ordinateurs et des (tele)communications. 

Ce qui reste, et m'avait deja frappe a Linz, est le desir de se mettre
en avant, de 'creer de l'evenement' succeptible d'attirer une couverture
gratifiante dans les (anciens!) medias, et d'adopter un style et une
stature politique de 'leaders'. Actionisme avant tout, aucune envie
d'apprendre et d'eventuellement se reformer, et mepris quasi-total de
l'arriere-ban characterisent (a mon humble avis)l'"hactivisme" tel qu'il
se presente. En ce sens, cette mouvance, heureusement tres embryonnaire,
semble etre le parfait pendant de l'engouement actuel dans la sphere
'start-up' et autres baudruches commercialement branchees. Au cas ou
Richard Barbrook aurait raison de dire que le Reseau est eminement et
necaisserement communiste,
(http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00045
http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00046
http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00047
http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00048
http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00049)
(sorry!)
l'"hacktivisme" semble etre condamne a en etre sa maladie infantile...

Mais helas, il m'est clair que nous avons perdu la bataille mediatique.
L'"hacktivisme" et l'amalgame qui en resulte au detriment des hackers
qui se reclament (et respectent) l'ethique hacker et donc ne sauraient
approuver des actions de "Denial of Service" - equivalents a un deni de
la liberte d'opinion et d'expression, semble etre la pour rester. Ce qui
permet de poser la question accessoire: Si l''hacktivisme" est futile au
plan technique et pratique, a qui profite-t-il?

Groningen, le 13 mars 2000
Patrice Riemens



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